Motivations à l’origine de la démarche
Le Ministre a brièvement rappelé les motivations du gouvernement luxembourgeois ayant donné lieu à la décision de faire rédiger le premier examen territorial sur le Luxembourg et qui se sont basées sur deux questions primordiales :
- quelles sont les conséquences si l’évolution territoriale et socio-économique luxembourgeoise continue de la même manière
et
- est-ce que l’aménagement du territoire, notamment au vu du Programme Directeur de l’Aménagement du Territoire, de l’IVL et des quatre plans directeurs sectoriels, est-il à même de canaliser et d’anticiper l’évolution économique – démographique – environnementale du Grand-Duché de Luxembourg ?
Objectifs des examens territoriaux de l’OCDE
La réalisation de l’examen territorial sur le Grand-Duché de Luxembourg s’est inscrit dans un programme plus vaste d’examens territoriaux nationaux et thématiques menés par l’OCDE ayant pour objectif de fournir des recommandations et des suggestions externes pratiques dans plusieurs domaines tels que :
- le développement régional durable,
- la compétitivité régionale,
- les politiques territoriales dans les zones urbaines,
- le développement rural,
- la gouvernance pluriniveaux
- et les statistiques et indicateurs régionaux.
Ces points prennent une dimension importante pour le Grand-Duché de Luxembourg dont l’attractivité économique – synonyme de création d’emplois – ainsi que le développement démographique grandissants nécessitent la mise en place d’une structure spatiale répondant aux principes du développement durable afin de pouvoir garantir à terme un niveau élevé de la qualité de vie de l’ensemble des citoyens luxembourgeois et des 138.000 travailleurs frontaliers actifs sur le territoire luxembourgeois.
L’examen territorial sur le Grand-Duché de Luxembourg
Ayant engagé avec succès une profonde mutation de son économie en l’espace de quelques décennies, l’OCDE a soulevé que le Luxembourg devrait, pour assurer son avenir économique, concilier différents impératifs notamment dans les domaines des transports et du logement.
L’expansion de l’économie luxembourgeoise a eu pour corollaire des flux quotidiens croissants tant des régions voisines qu’internes (ces derniers dus aux différentiels de prix immobiliers et concentration de nombreux emplois dans la région capitale) qui posent de nombreux problèmes en matière de transports et d’environnement.
Problématiques
L’OCDE a retenu dans l’examen cinq grandes problématiques pour lesquelles des recommandations et des suggestions ont été formulées :
- le foncier et la construction ;
- les transports et la mobilité ;
- l’accessibilité ;
- l’éducation supérieure ;
- la recherche et le développement, R&D ;
- la gouvernance et la coordination multi-niveaux.
De même, l’OCDE a examiné les mesures entamées par le Gouvernement dans le cadre
- de la réforme territoriale et administrative ;
- de la coopération intercommunale ;
- de la logique de pôles de développement hiérarchisés ;
- et des régions d’aménagement.
Evaluation
L’ensemble des outils, mesures et politiques menés par le Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire pour déployer sa politique de développement territorial ont été analysés par l’OCDE. Ainsi, les plans directeurs sectoriels, les plans directeurs régionaux, la mise en œuvre de l’IVL, les plans d’occupation du sol, les mesures prises dans le cadre du développement des parcs naturels ainsi que les démarches entreprises pour un équilibre spatial entre les milieux urbain et rural sont abordés dans le rapport.
L’OCDE considère la politique en matière d’aménagement du territoire comme étant innovante et ambitieuse. Cette politique devrait permettre de relever les défis majeurs dans le domaine des transports et du logement et qui touchent tous les niveaux de gouvernement tout en supposant, pour réussir, leur pleine coopération.
Pour être menées à bien, ces politiques requièrent également une modernisation institutionnelle pour modifier profondément le cadre et les schémas de gouvernance actuels.
La mise en place de ce cadre de gouvernance, et, en particulier la réforme communale et régionale dans un pays où l’autonomie des communes demeure forte, implique cependant une large concertation avec les élus locaux ainsi qu’avec la société civile.
Dans ce contexte, l’OCDE souligne, ente autres, que l’approche multi-sectorielle engagée requiert des ressources humaines et financières adéquates pour permettre à la structure chargée de mettre en œuvre ces orientations (la DATer) d’assurer pleinement les fonctions d’impulsion, de coordination et de suivi qui lui incombent, tant au niveau national que vis à vis des communes.
A ce propos, l’OCDE se pose la question si le « Ministère de l’Intérieur dispose bien de tous les moyens règlementaires (mécanismes de coordination obligatoires), humains (effectifs) et budgétaires (mesures incitatives vis-à-vis des autres ministères mais aussi des communes) pour assurer cette mission ? ».
Principales recommandations
L’OCDE a formulé plusieurs recommandations et suggestions dont les principales concernent
- le logement et le foncier
-
- rendre rapidement opérationnelle l’expropriation d’utilité publique par la réforme constitutionnelle ;
- mettre en place un opérateur foncier public à compétence générale, bénéficiant du droit de préemption ;
- créer un véritable impôt foncier afin d’inciter à la mise sur le marché de terrains constructibles ;
- s’assurer par des actions de sensibilisation et d’incitation envers les élus locaux, que les priorités stratégiques nationales soient clairement prises en compte dans les PAG ;
- étendre au niveau de la Grande Région le suivi des marchés du foncier et de l’habitat ainsi que la réflexion prospective, afin de mieux mesurer l’impact du secteur sur les flux transfrontaliers.
- les transports
-
- résoudre la contradiction concernant la fiscalité des produits pétroliers (prix modique à la pompe alors que l’usage de la voiture individuelle est découragé) ;
- mettre en place un schéma directeur des infrastructures à caractère multi-modal, avec des objectifs quantifiés et incluant les problématiques du fret, selon un calendrier de financement pluri-annuel et comportant des priorités identifiées et négociées ;
- évaluer et expliciter les moyens techniques, financiers et organisationnels conditionnant la réalisation des objectifs IVL, afin de contribuer à l’intégration des politiques sectorielles ;
- approfondir, à partir de la structure fédératrice nationale en matière de transports envisagée par le Programme directeur, la coopération dans la Grande Région, en créant un organisme suprarégional en matière de transports.
- la gouvernance
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- consolider la coopération intercommunale structurante et donner corps aux CDA par des actions de soutien ciblées en fonction de leur rôle en matière d’aménagement du territoire ;
- veiller à une concertation avec les élus locaux mais aussi avec la société civile afin de bien expliciter les orientations qui découlent de l’IVL ;
- veiller à consulter de manière adéquate les associations et les citoyens, d’autant que la société civile joue un rôle important dans l’élaboration des documents d’urbanisme permettant ainsi de situer les choix élaborés autour des PAG dans un contexte plus large et de faciliter la mise en œuvre de partenariats publics privés
- mettre en place une dotation interministérielle à dotation pluri-annuelle afin d’exercer un effet de levier envers les projets à vocation multi-sectorielle.
- la réforme territoriale et administrative
-
- consolider le rôle des Centres de développement et d’attraction (CDA) qui établissent une hiérarchie urbaine autour de laquelle les autres communes peuvent s’organiser et mettre en œuvre pour cela une politique d’investissements publics consacrant le rôle reconnu à chaque CDA dans une région donnée ;
- reconnaître des compétences fondamentales aux CDA dans la définition des futurs Plans de développement régionaux (PDR) ;
- poursuivre et approfondir la dynamique créée par la mise en place de conventions de coopération entre l’État et certains ensembles urbains (Sud-Ouest de l’agglomération de Luxembourg, Nordstad) et étendre ce type d’action à d’autres territoires (nord-est de la région capitale, Région Sud) en apportant un soutien concret aux initiatives de coopération intercommunale qui pourraient préfigurer les PDR, notamment pour la valorisation des friches industrielles ;
- envisager un découpage régional permettant de mieux faire jouer les économies d’échelle, compte tenu des dimensions du territoire, en regroupant les plus petites régions en une région unique centrée (exemple : Nordstad).
Grande Région
En ce qui concerne la Grande Région, l’OCDE est d’avis que "toutes les actions menées, qu’il s’agisse d’infrastructures ou de services de transports ou encore de logements ont nécessairement une dimension Grande Région, ce qui signifie que leur succès suppose non seulement une coopération étroite avec les régions voisines au niveau de leur mise en œuvre mais encore un consensus en amont sur les grands objectifs poursuivis. Or, force est de constater que, pour l’instant, les stratégies innovantes conçues par le Grand-Duché n’ont que peu de prolongements réels vers les territoires voisins, alors que les hypothèses de ces stratégies elles-mêmes reposent sur les perspectives d’évolution économique et démographique de la dite Grande Région dans son ensemble".
L’OCDE justifie une plus grande coopération au sein de la Grande Région notamment due à l’existence d’une "étroite interdépendance des économies de la Grande Région, en particulier en matière de marchés de l’emploi" qui "ne peut que faire sentir de plus en plus fortement ses effets sur les infrastructures et l’environnement, requérant une coordination bien plus étroite en la matière que celle qui existe aujourd’hui".
Dans le contexte de la coopération transfrontalière, l’OCDE retient que les récentes démarches franco-luxembourgeoises autour du projet de reconversion des anciennes friches de Belval "devrait permettre de créer une dynamique nouvelle à tous les niveaux de coopération" et encourage "la systématisation d’une telle démarche sur des projets majeurs, même bilatéraux mais situés dans une perspective Grande Région".
Par ailleurs, l’OCDE est d’avis que "la prise en compte de la logique IVL au niveau de la Grande Région, faciliterait sa mise en œuvre dans le Grand-Duché tout en permettant de mieux coordonner les différentes politiques poursuivies en la matière dans cette partie de l’Europe". L’OCDE écrit qu’il "faudrait ainsi envisager de préparer un "IVL 2", associant toutes les entités représentées dans les actuelles instances de la Grande Région" tout en soulignant que "la mise en œuvre, le suivi et l’adaptation permanentes de ce dispositif, requièrent des moyens humains suffisants, faisant appel à des compétences spécifiques" tout en précisant cependant que "effectifs réduits actuels de la DATer ne peuvent assurer cette mission".
Finalement, l’examen territorial renforce l’idée que "les composantes de la Grande Région, au premier rang desquelles figure le Grand-Duché, ne peuvent véritablement faire valoir leurs atouts et leur complémentarité que conjointement. L’innovation en matière d’aménagement du territoire, telle que développée au Luxembourg, pourrait ainsi être consolidée tout en bénéficiant utilement aux régions voisines ".
Conclusions du ministre
Le ministre a souligné que les conclusions et recommandations de l’OCDE rejoignent les démarches poursuivies au sein du ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire et du gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg.
Les défis soulevés dans l’examen territorial sont d’autant plus importants au vu de la taille du Grand-Duché de Luxembourg où "l’espace est plus qu’ailleurs une ressource rare qui doit être gérée avec le plus grand soin". D’où la nécessité de mener une gestion intelligente, coordonnée et intégrée du territoire luxembourgeois.
Quatre aspects majeurs, repris dans l’examen, ont été également retenus par le ministre
1- les plans à base réglementaire
L’examen de la situation socio-économique luxembourgeoise et la prise en considération de ses répercussions sur l’avenir du pays, nécessitent des actions concrètes et durables en matière d’aménagement du territoire. Celles-ci doivent nécessairement se faire dans le respect de l’IVL et des quatre plans directeurs sectoriels à base réglementaire. Leur mise en œuvre est donc une nécessité absolue pour doter le pays d’instruments juridiques précis et cohérents.
2 & 3 – les ressources humaines et financières
Le ministre partage en outre l’avis de l’OCDE en ce qui concerne le manque de moyens tant humains que financiers de la Direction de l’aménagement du territoire. Ceci est d’autant plus vrai que des moyens supplémentaires permettraient aussi de développer les démarches entreprises en matière de communication afin d’associer davantage la société civile aux démarches entamées.
4 – la Grande Région
L’OCDE renforce la volonté du ministre à ce que les réflexions luxembourgeoises visant à garantir un développement spatial durable au Grand-Duché de Luxembourg ne s’arrêtent pas aux frontières nationales.
Dans le cadre de la présidence luxembourgeoise du 11e Sommet de la Grande Région (février 2008 – juin 2009), le ministre souhaite précisément mettre en place des mesures visant à aborder en commun les défis auxquels non seulement le Luxembourg est confronté mais aussi les territoires limitrophes les plus proches de la frontière et qui concernent les domaines du logement, des transports, des zones d’activités économiques, de l’enseignement supérieur et de la recherche mais aussi ceux du tourisme, de la culture et de la sécurité.
Le but étant d’entamer des démarches cohérentes et intégratives visant à doter progressivement la Grande Région d’une politique conjointe en matière de développement territorial et de planification territoriale notamment en vue de la mise en place d’un ensemble urbain polycentrique de dimension métropolitaine.
Les détails du programme de la présidence luxembourgeoise seront présentés à la presse au mois de janvier 2008.