Le jeudi 29 mai 2008, le Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire a présenté, en partenariat avec le CEPS/INSTEAD, les conclusions du premier rapport sur le suivi du développement territorial du Luxembourg, d’une part le matin, à la Commission des Affaires intérieures et de l’Aménagement du Territoire de la Chambre des Députés et, d’autre part l’après-midi, à la presse luxembourgeoise.
Ce premier rapport permet de fournir des informations d’évaluation de l’adéquation entre le développement du territoire et les concepts de planification issus du Programme Directeur d’Aménagement du Territoire et de l’IVL.
A partir de l’analyse de 29 indicateurs, le rapport présente des conclusions concernant les cinq thématiques suivantes :
- le polycentrisme,
- la mixité fonctionnelle,
- la densification du tissu urbain,
- la mobilité,
- le milieu naturel.
De même, le rapport a permis de réaliser des synthèses pour les six espaces considérés comme stratégiques par l’IVL :
- Luxembourg-Ville et sa périphérie,
- la Région Sud,
- la Nordstad,
- la Vallée de l’Alzette,
- les espaces à caractère rural
- la zone verte interurbaine.
Les auteurs du rapport ont relevé quelques contraintes lors de sa réalisation dont notamment l’absence de données quantitatives sur des indicateurs-clés (comme les pratiques de déplacement des résidants, le « modal split ») et le peu de données à l’échelle transfrontalière, malgré l’importance des travailleurs frontaliers et des flux internationaux. Aussi, les données disponibles ne sont pas toujours comparables dans le temps du fait d’un manque de mise à jour et de méthodes de collecte de l’information non comparables.
Constats
Même si le pas de temps est réduit depuis la présentation de l’IVL afin de faire ressortir, avec des statistiques adaptées, les évolutions territoriales, le rapport permet cependant de tirer bon nombre de conclusions :
- la croissance du PIB est supérieure aux hypothèses retenues dans le cadre de l’IVL ;
- la croissance de l’emploi, du nombre de résidants et de frontaliers est supérieure aux hypothèses retenues dans le cadre de l’IVL. Ainsi, le nombre de frontaliers en 2006 est proche de celui correspondant à l’horizon 2011 dans le scénario «frontaliers» ;
- l’« emballement » de l’économie augmente la difficulté d’aboutir à un développement polycentrique et durable ;
- en matière de démographie la croissance de la population se concentre dans les principaux pôles urbains, à l’exception de la Nordstad. Cependant, la dynamique de développement est très forte dans les petites communes rurales. Ainsi,
- le phénomène d’urbanisation se diffuse à l’ensemble du pays,
- la ressource foncière disponible pour l’habitat est plutôt mal répartie,
- la construction résidentielle est dictée par les prix de l’immobilier, en forte hausse aggravant le décalage entre lieux de travail et lieux de résidence ce qui encourage la rurbanisation du fait que prix du sol est moins élevé en milieu rural.
- dans le domaine de l’emploi, le rapport confirme que l’emploi reste fortement concentré dans l’agglomération de Luxembourg-Ville. En effet, 54 % des emplois se concentrent dans l’agglomération et 43 % dans la capitale et 45 % des entreprises se situent dans l’agglomération de Luxembourg-Ville, et 36 % dans la capitale. Cette hyper-concentration de l’emploi crée ainsi des problèmes de transports croissants au Grand-Duché de Luxembourg.
- en matière de développement des structures d’accueil pour les entreprises, l’approche demeure encore trop communale selon les auteurs du rapport.
- en ce qui concerne la Nordstad, les auteurs constatent que les disponibilités foncières sont trop réduites pour lui permettre de s’affirmer comme un réel centre de développement et d’attraction d’ordre moyen.
- dans le domaine des transports, le trafic sur les axes principaux du pays a augmenté, entre 2002 et 2007, de 12% en moyenne. Cette augmentation est due, entre autre, à l’évolution des flux de travailleurs frontaliers vers le Grand-Duché de Luxembourg dont la principale destination est le Centre-Sud (plus de 60%) tout en connaissant des dynamiques de plus en plus fortes vers les régions Nord et Est.
La plupart des travailleurs frontaliers n’utilisent pas les transports publics de sorte que le partage modal, largement en faveur de la voiture privée, reste stable entre 2003 et 2007 : 84,8% en 2003 et 83,5% en 2007 pour le recours à la voiture.
Selon toute vraisemblance, cette constatation vaut également pour les résidants de sorte qu’il est opportun et urgent de mettre en œuvre des mesures favorisant la part des transports en commun dans les déplacements individuels. Le rapport propose ainsi de prendre des actions dissuasives pour la voiture privée telle qu’une gestion plus harmonisée des emplacements de stationnement en milieu urbain.
Dans ce contexte, le rapport souligne que les transports en commun ne sont efficaces que sur un nombre limité de communes dont la plupart sont situées dans la partie méridionale du pays. Ainsi, les communes à dominante rurale disposent d’une couverture des réseaux de transports publics faible avec une accessibilité à l’ensemble du pays assez limitée.
Bilan et tendances
Les auteurs du rapport relèvent trois grandes tendances en matière de développement territorial :
1 – Mise à mal de la « déconcentration concentrée » par les évolutions territoriales récentes.
Le modèle spatial théorique de la « déconcentration concentrée » repose sur un développement des centres de développement et d’attraction d’ordre moyen d’Esch-sur-Alzette et de la Nordstad à même de rééquilibrer la trop grande polarisation de l’espace par la capitale. Or, ces centres secondaires peinent à s’affirmer aux rangs auxquels on souhaiterait les voir parvenir, ce constat étant particulièrement vrai pour la Nordstad.
2 – Coagulation entre la Région Sud et l’agglomération de Luxembourg-Ville sous l’effet d’un processus de métropolisation.
Ce constat est dû à l’étalement urbain et à l’importance grandissante des flux de travailleurs en direction de la capitale. Ainsi, la tendance va dans le sens de la création, à terme, d’une seule région urbaine métropolitaine. Celle-ci pouvant même dépasser les frontières du pays.
3 – Difficulté d’affirmation de la Nordstad.
La Nordstad s’affirme difficilement en tant que centre de développement et d’attraction d’ordre moyen structurant. Ce constat s’explique par le fait que les zones sont trop réduites et que les surfaces les plus importantes se concentrent dans la Région Sud et dans l’agglomération de la capitale.
4 – Forte pression de la part du front urbain sur la zone verte interurbaine, aussi appelée ceinture verte.
Les chiffres sur la consommation foncière résidentielle restent élevés, même si elle reste efficace en nombre de logements construits pas hectare et, qu’elle a, pour l’instant, plutôt bien préservé la ceinture verte. La menace venant plutôt des zones d’activités révélant ainsi toute la difficulté de conjuguer croissance économique et préservation des ensembles paysagers.
5 – Développement économique important de la pointe nord du pays.
Face à la croissance économique de la pointe nord du pays, les auteurs de l’étude conviennent de l’opportunité et de la nécessité de mieux organiser ce récent développement tout en sollicitant une amélioration de son intégration paysagère.
Conclusions et recommandations
Au vue de ces tendances, ce premier rapport recommande :
- de gérer la ressource foncière avec plus de coordination entre les communes et l’Etat ;
- de mettre en place des actions à différents niveaux pour réduire le processus de dépendance à la voiture ;
- de renforcer les actions en faveur de la Nordstad, en partenariat avec les acteurs locaux ;
- de renforcer davantage encore l’intercommunalité pour porter un projet de territoire capable de créer un développement endogène dans la Région Sud. Ainsi, le développement du pôle d’Esch-sur-Alzette doit se faire à l’échelle de la région, de même qu’à l’échelle transfrontalière.
Aussi, le renversement de ces tendances nécessite, d’une part, la mise en place d’un cadre à base réglementaire à l’échelle nationale fourni par les quatre plans sectoriels primaires en cours de finalisation et, d’autre part, le développement de projets forts sur des territoires d’action identifiés tels que la capitale et sa périphérie, la Région Sud et la Nordstad.
Dans ce contexte, le ministre a tenu à féliciter les six conseils communaux de la Nordstad pour avoir adopté le jeudi 22 mai le Masterplan ZAN (Zentrale Achse Nordstad), plan directeur du concept urbain de réorganisation de l'axe central entre les communes d'Ettelbruck, Erpeldange, Diekirch.
Finalement, le rapport réitère la nécessité d’adopter une vision transfrontalière des dynamiques qui animent le territoire luxembourgeois. En effet, le processus de métropolisation en cours influence le développement spatial sur les trois pays frontaliers et impose de ce fait l’adoption de politiques de coopération en la matière au niveau de la Grande Région.
Jean-Marie Halsdorf a rappelé dans ce contexte qu’il a inscrit les thématiques du développement territorial et de la planification territoriale en tant que thème principal de la présidence luxembourgeoise du 11e Sommet. Ainsi, en concertation avec l’ensemble des partenaires membres de la Grande Région, des travaux ont déjà été amorcés en vue de définir une méthode de travail visant la mise en place, à court terme, d’une démarche concertée, structurée et progressive en matière de développement et d’aménagement du territoire transfrontaliers.
De même, le ministre a informé que la présidence luxembourgeoise a lancé un processus de réflexion concernant le développement d’une région métropolitaine polycentrique transfrontalière au sein de la Grande Région en introduisant un projet, dénommé METROBORDER GRANDE REGION, auprès de l’ORATE / ESPON (Observatoire en Réseau de l’Aménagement du Territoire Européen / European Spatial Planning Observation Network ).
Finalement, le ministre a rappelé que le 6 décembre 2007 il avait présenté conjointement avec l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) l’examen territorial sur le Grand-Duché de Luxembourg, examen ayant soulevé des recommandations similaires dans les domaines du logement et du foncier, des transports et de la gouvernance ainsi qu’en matière de réforme territoriale et administrative.
L’examen de l’OCDE a également donné des indications en matière de coopération transfrontalière puisqu’il est d’avis que « toutes les actions menées, qu’il s’agisse d’infrastructures ou de services de transports ou encore de logements ont nécessairement une dimension Grande Région, ce qui signifie que leur succès suppose non seulement une coopération étroite avec les régions voisines au niveau de leur mise en œuvre mais encore un consensus en amont sur les grands objectifs poursuivis ».