Jean-Marie Halsdorf a présenté l’avis du Grand-Duché de Luxembourg concernant le Livre vert de la Commission européenne sur la cohésion territoriale

Présentation de l'avis du Grand-Duché de Luxembourg concernant le livre vert

Le 10 février 2009, le ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire a organisé une séance d’information concernant le Livre vert de la Commission européenne sur la cohésion territoriale « Faire de la diversité territoriale un atout ».

Considéré comme étant un pas supplémentaire important en vue de la mise en place de la politique de cohésion territoriale en Europe, le Livre vert, présenté le 6 octobre par la Commission européenne, soulève un certain nombre de questions par rapport auxquelles les Etats membres et toute partie intéressée ont été invités à prendre position dans le cadre d’une consultation publique ouverte jusqu’au 28 février 2009.

Le Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire a rédigé, en concertation avec le Ministère de l’Economie et du Commerce extérieur, un projet de prise de position luxembourgeoise afférente et a souhaité le présenter aux acteurs luxembourgeois concernés. Cette prise de position luxembourgeoise, ayant pour but de témoigner auprès des instances communautaires de l’intérêt et du soutien du Luxembourg en la matière, sera enrichie par les propositions retenues lors de la journée de discussion et reprendra en ce sens les attentes et les demandes des acteurs luxembourgeois concernés.

Cette approche est d’autant plus importante que des réponses formulées ensemble et prenant en compte les intérêts luxembourgeois, tant de l’Etat que des communes et autres acteurs, peuvent trouver un écho et être pris en considération dans la conception politique de la Commission européenne qui, in fine, a des répercussion sur les Etats Membres, les régions, les communes et les citoyens.

Exerçant jusqu’au mois de juin la présidence du 11e Sommet de la Grande Région, le ministre a associé les entités partenaires de la coopération transfrontalière dans la rédaction d’un avis conjoint présenté à la même occasion.

Dans son intervention, Jean-Marie Halsdorf a souligné que le souhait de mise en place d’une nouvelle politique articulée autour de la cohésion territoriale qui est en cours au niveau européen existe déjà, dans ses principes mis en œuvre, au Grand-Duché de Luxembourg dans le domaine de l’aménagement du territoire. En ce sens, le Grand-Duché de Luxembourg ne peut que soutenir l’approche envisagée au niveau européen. De fait, la complémentarité entre les politiques européennes d’une part et les politiques nationales d’autre part, apporte clairement une valeur ajoutée pour les communes et les citoyens pour autant que le principe de subsidiarité soit respecté et qu’une administration légère aille de pair.

Prise de position du Grand-Duché de Luxembourg

La cohésion territoriale présente un cadre de référence commun susceptible de renforcer la gouvernance, la légitimité et l’orientation stratégique verticale des politiques sectorielles dans le respect de la subsidiarité entre l’Union européenne et les niveaux nationaux, régionaux et locaux ainsi que la coordination horizontale des politiques sectorielles sur base d’informations territoriales assurées tout en y intégrant la politique de cohésion.

Aussi, dans le cadre de la cohésion territoriale, une meilleure utilisation des potentiels territoriaux signifie concrètement une focalisation plus spatiale de la politique de cohésion, qui, jusqu’à présent était empreinte de considérations avant tout sectorielles. Il s’agit d’organiser l’ensemble du territoire européen et donc aussi luxembourgeois de sorte à apporter la meilleure réponse possible, dans le sens d’un développement durable, aux défis auxquels l’Union européenne est confrontée de nos jours: la compétitivité économique (mot clé : stratégie de Lisbonne), la crise économique et financière actuelle, les questions environnementales et énergétiques, le bien-être social. L’objectif visé ne peut être atteint qu’en développant un concept concluant impliquant l’ensemble des acteurs concernés – européens, nationaux et locaux – et définissant pour chacun d’entre eux un rôle propre et des missions précises à remplir selon le principe de subsidiarité.

L’objectif visé ne peut être atteint qu’en développant un concept concluant impliquant l’ensemble des acteurs concernés – européens, nationaux et locaux – et définissant pour chacun de ces acteurs un rôle propre et des missions précises à remplir selon le principe de subsidiarité.

Pour le Grand-Duché de Luxembourg, cela signifie qu’il est opportun voire indispensable d’associer l’ensemble des acteurs concernés par l’aménagement du territoire au sens large du terme au processus de développement territorial et de planification territoriale. En ce sens, et selon le principe de la coopération verticale, le ministère est d’avis que les communes luxembourgeoises devraient jouer un rôle clé dans ce processus. De ce fait, il est nécessaire de poursuivre, de renforcer et de développer la coopération actuelle entre l’Etat luxembourgeois et les communes luxembourgeoises par le biais de méthodes de collaboration qui soient souples, efficientes et concertées.

La coordination horizontale des politiques sectorielles revêt également une importance toute particulière et requiert au Grand-Duché, comme d’ailleurs au niveau européen, une concertation intégrée des politiques sectorielles ayant des incidences territoriales. Comparée aux autres politiques sectorielles, la politique en matière de développement et d’aménagement du territoire dispose de ressources propres de moindre envergure. Partant, son potentiel d’orientation se situe d’abord en une coordination entre différents domaines d’intervention politique. C’est de ce fait qu’une approche résolument stratégique est indispensable.

Au Grand-Duché de Luxembourg, des mesures importantes ont été prises au niveau national visant une meilleure coordination des politiques sectorielles dans le cadre de la planification territoriale. Ainsi peuvent être cités, à titre d’exemple, le concept intégré des transports et du développement spatial de 2004 (en allemand IVL, Integratives Verkehrs- und Landesentwicklungskonzept Luxemburg) et les avant-projets de plans sectoriels d’aménagement du territoire présentés en octobre 2008. Une coordination complémentaire dés lors des politiques sectorielles au niveau européen apparaît entièrement indiquée.

L’ensemble des mesures entamées par le ministère depuis 2004 répond également à la volonté de préparer le Grand-Duché de Luxembourg, aussi bien le secteur étatique que les communes, aux exigences et aux préconisations de la stratégie de Lisbonne.

Ainsi, le Grand-Duché de Luxembourg s’est efforcé d’inclure la dimension territoriale dans son programme national de réforme. Dans ce contexte, deux dimensions différentes sont à relever :

La première dimension consiste à préparer le territoire luxembourgeois pour la Stratégie de Lisbonne. Cet objectif peut être atteint en promouvant la déconcentration concentrée des fonctions et la mise en œuvre d’une structure polycentrique. Ceci se traduit à titre d’exemple, dans le nord du pays par une coopération intercommunale de six communes dénommée Nordstad. L’idée de la création d’une région métropolitaine polycentrique transfrontalière au sein de la Grande Région s’insère également dans ce type de mesures. L’avis commun émis par la Grande Région explicite d’ailleurs cette initiative de création d’une région métropolitaine polycentrique transfrontalière (RMPT).

La seconde dimension consiste à développer des stratégies spécifiques «sur mesure» («taylor-made»), adaptées aux différents types de régions du pays. C’est pourquoi, des stratégies adaptées au type de région, aux fonctions et aux potentiels régionaux doivent être arrêtées dans les programmes nationaux, les programmes opérationnels des fonds structurels ainsi que dans les programmes de développement urbains et ruraux. C’est dans cette optique que l’orientation des politiques européennes en faveur de la cohésion territoriale peut mener à une réelle complémentarité entre les différents niveaux.

Finalement, la mise en œuvre du concept de la cohésion territoriale telle qu’envisagée dans le Livre vert dépasse les cohésions économique et sociale en apportant une plus-value grâce à l’intégration et la prise en compte des éléments suivants :

  • Le concept de la cohésion territoriale est plus large que celui de la cohésion économique et sociale. La cohésion territoriale apporte une plus-value évidente du fait qu’elle intègre et par conséquent renforce les cohésions économique et sociale.
  • D’un point de vue politique, l’objectif de la cohésion territoriale consiste à initier un développement plus équilibré et durable en abordant la précarité et l’instabilité d’une région, respectivement de son développement territorial.
  • La précarité d’une région découle d’une combinaison de plusieurs facteurs négatifs empêchant de mener une politique territoriale adéquate. De tels facteurs négatifs peuvent être par exemple le manque de potentiels territoriaux, une sous-exploitation du capital territorial, des stratégies de développement inexistantes respectivement inadéquates ou encore une insuffisance de ressources pour concevoir une politique.
  • La cohésion territoriale exige un développement de stratégies et une gouvernance multi-niveaux afin d’assurer une utilisation efficiente et efficace des potentiels disponibles.
  • Aussi, les politiques sectorielles ayant des incidences territoriales ainsi que toute politique régionale doivent-elles être développées et organisées d’une manière spatialement cohérente.
  • Une attention toute particulière doit être accordée à l’amélioration de l’intégration territoriale et au développement de la coopération entre régions au-delà de leurs frontières, c'est-à-dire au développement et au renforcement des coopérations transfrontalières.
  • En outre, il serait opportun, voire indispensable de préciser pour toute initiative politique son échelle de transposition territoriale : locale, régionale, nationale, européenne ou mondiale.

L’avis de la Grande Région

En outre, la cohésion territoriale étant également un défi particulier pour les régions frontalières, le Grand-Duché de Luxembourg a jugé opportun de rédiger avec les entités partenaires de la Grande Région un avis conjoint en la matière d’autant plus que celle-ci est considérée par la Commission européenne comme étant un exemple de coopération transfrontalière en Europe.

Ainsi, cet avis témoigne de la forte volonté des entités partenaires de la coopération transfrontalière à aborder désormais ensemble les questions territoriales. En ce sens, cette initiative s’inscrit dans la lignée des mesures entamées par la présidence luxembourgeoise qui a retenu comme thème central de son programme de travail l’espace avec la composante du développement territorial – tant urbain que rural – et la composante de la planification territoriale.

Pour que la Grande Région puisse être reconnue en tant qu’un espace de coopération unique, commun et cohérent aussi bien à l’intérieur de ses propres frontières qu’au-delà, c’est-à-dire sur l’échiquier européen, il est indispensable de mettre en corrélation les différentes pratiques menées par l’ensemble des entités qui la composent dans le domaine de l’aménagement du territoire afin d’atténuer les barrières et obstacles géographiques de l’espace de coopération. De cette manière, l'espace de coopération pourra mieux rivaliser avec les grandes aires métropolitaines européennes et augmenter son potentiel et son attrait économiques.

Conscient et convaincu que la cohésion territoriale ne s’arrête pas aux frontières, la coopération territoriale transfrontalière constitue un enjeu de tout premier ordre pour le Grand-Duché de Luxembourg. Sans celle-ci, la capacité fonctionnelle du Luxembourg serait considérablement limitée.

De nos jours, la forte interrelation des fonctions ainsi que la grande mobilité des personnes et des marchandises dans l’ensemble de l'Union Européenne exigent une coopération territoriale qui aille au-delà des frontières, c’est-à-dire qui soit transfrontalière. Cette exigence est récurrente et indispensable pour le Grand-Duché de Luxembourg afin qu’il puisse utiliser efficacement son potentiel territorial. Ceci est particulièrement évident dans les domaines des transports, de l’énergie, du changement climatique, de la biodiversité, de la protection contre les inondations, de l’innovation, de la recherche et de l’enseignement supérieur ainsi que du marché de travail. De même, les clusters économiques thématiques ainsi que les régions métropolitaines européennes sont des phénomènes qui devraient être également optimisés par le biais d’une coopération territoriale européenne mettant l’accent sur les spécificités des espaces respectifs.

Cependant, l'utilisation des grands potentiels territoriaux dans les régions frontalières est plus difficile qu’à l’intérieur d’un pays du fait des différences, voire des inégalités administratives, économiques, sociales, linguistiques, juridiques ou culturelles. C’est précisément au vu de ces différences et inégalités que les partenaires de la coopération transfrontalière se félicitent de l'attention et de l'importance que la Commission européenne prête aux régions frontalières.

Les entités partenaires sont d’avis que ces différences et inégalités peuvent et doivent être dépassées et considérées en tant qu’atouts.

Le programme INTERREG IV A Grande Région constitue un indicateur de l’importance que revêt la dimension territoriale dans la Grande Région puisqu’il est articulé autour de trois priorités que sont l’espace, les hommes et l’économie. Aussi, la Grande Région a saisi toute l’importance que revêtent les programmes des fonds structurels pour la mise en œuvre d’une stratégie commune et a par conséquent décidé de suivre une nouvelle voie sous cette nouvelle période de programmation en remplaçant les trois programmes antérieurs INTERREG III A 2000-2006 par un seul programme. Dans le courant de l’année 2009, le programme adaptera par ailleurs son autorité de gestion en la reconvertissant sous la forme d’un GECT.

Une thématique a été retenue dans le cadre de la présidence luxembourgeoise qui restitue bien les tenants de la politique de cohésion territoriale, à savoir celle de la création de régions métropolitaines.

Les régions métropolitaines sont considérées comme étant des moteurs pour le développement social et économique d’un pays ou de toute une région et jouent un rôle clé pour un développement équilibré aussi bien au niveau européen que mondial.

Aucune ville dans la Grande Région que ce soit Nancy, Kaiserslautern, Luxembourg-Ville, Sarrebruck Trèves ou Metz – ces quatre dernières villes formant le Quattropole, un réseau transfrontalier de villes dont l’objectif consiste à créer des synergies et à renforcer l’attractivité économique de l’espace transfrontalier par la mise en œuvre de projets concrets et innovants – n’est à même de fournir à elle seule la masse critique d’une région métropolitaine.

Toutefois, si les villes travaillent ensemble et incluent d’autres villes et centres urbains moyens, alors le potentiel pour une région métropolitaine polycentrique devient réel et peut ainsi s’affirmer dans le contexte européen, voire même international. Pour une région métropolitaine de ce type, qui dans le cas de la Grande Région est marquée par des villes se situant dans un environnement en partie rural, l’inclusion de l’espace rural dans ce concept métropolitain est d’une importance décisive et constitue un potentiel supplémentaire.

Conscients de ces enjeux, les gouvernements et acteurs politiques de la Grande Région se sont mis d’accord sous présidence luxembourgeoise pour entamer un processus visant la création d’une région métropolitaine polycentrique transfrontalière dont la base analytique sera fournie par un projet financé à travers le programme de l’Observatoire en Réseau de l’Aménagement du Territoire Européen, ORATE (METROBORDER).

Afin de développer également la coopération transfrontalière de façon sectorielle, il a été décidé, à l’occasion du sommet intermédiaire de la Grande Région le 19 novembre 2008, de promouvoir la tenue de réunions sectorielles ministérielles. C’est ainsi que le 21 avril 2009 se tiendra la première réunion sectorielle dans le domaine de l’aménagement du territoire.

En outre, à l’occasion de ce sommet intermédiaire, les participants ont adopté à l’unanimité la démarche de la présidence luxembourgeoise concernant la réalisation progressive d’une coopération concertée dans les domaines de la planification territoriale et du développement territorial pouvant, à terme, donner lieu à une réelle planification territoriale transfrontalière et cette démarche est nécessaire à la réalisation progressive d’une région métropolitaine polycentrique transfrontalière au cours des prochaines présidences du Sommet.

De la table ronde et de la discussion qui s’en est suivie avec le public, il est à retenir que la prise de position luxembourgeoise a été accueillie favorablement et que les propositions y retenues ont été saluées. Il a également été rappelé par les intervenants qu’une plus grande coordination au niveau de la Grande Région revêt une importance grandissante et de ce fait, la décision luxembourgeoise d’impliquer les entités partenaires de la coopération transfrontalière dans la rédaction d’un avis conjoint était opportune et judicieuse. De même, les représentants communaux ont souligné qu’une bonne coordination des politiques sectorielles est une nécessité indispensable notamment lorsque celle-ci implique leur territoire. Finalement, une plus grande solidarité territoriale entre tous les niveaux et tous les acteurs a été jugée essentielle par l’ensemble des intervenants.

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